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DADAISME

À la fin de la Première Guerre mondiale éclata, notamment en Europe, une crise des valeurs morales et intellectuelles, tenues pour responsables de la récente catastrophe. D'une certaine manière, cette crise de conscience n'était qu'une manifestation du bouleversement apporté dans les domaines des sciences et des idées par les théoriciens du siècle précédent, tels que Darwin, Marx ou Freud. Ce climat engendra deux mouvements artistiques, le dadaïsme et le surréalisme. S'ils se distinguent par leur objectif et par leur style, ces deux courants possèdent un fonds commun qui favorisa le passage de nombreux artistes de l'un à l'autre.
Présent dans la majorité des pays occidentaux, le dadaïsme se veut plus un état d'esprit qu'un mouvement artistique organisé. Il rejette en bloc les valeurs culturelles sur lesquelles se fonde la société, ainsi que l'art considéré comme produit de l'ordre existant. Les dadaïstes sont anarchistes, iconoclastes et délibérément provocateurs. Le seul art admissible, selon eux, c'est l'anti-art, lequel doit s'affranchir de toute référence à la tradition qui l'a précédé.

Le dadaïsme zurichois.

Ce mouvement prit forme en 1916 à Zurich, en Suisse, où un groupe d'écrivains, poètes et artistes se réunissaient au Cabaret Voltaire sous la houlette de Hugo Ball (1886-1927), écrivain et dramaturge allemand. Le terme «dada» a probablement été choisi au hasard dans un dictionnaire franco-allemand.
Ce mouvement très hétérogène englobe la littérature, les arts plastiques et le théâtre. Le langage conventionnel de la poésie et les figures de la peinture représentaient, selon Ball, des formes d'expression dépassées. Aussi institua-t-il un type de poésie abstraite, composé de mots insolites, en se fondant essentiellement sur leur rythme et leur sonorité.
Le poète roumain Tristan Tzara (1896- 1963), qui s'affirma bientôt comme le porte-parole des dadaïstes, mit au point une formule poétique à partir de mots découpés dans des journaux et combinés au hasard.
Les œuvres de Jean Arp (1887-1966), poète alsacien installé à Zurich, sont l'équivalent plastique de ces compositions littéraires à l'expression libre. En 1916-1917, rompant avec les conventions artistiques, il colla des bouts de papiers déchirés en affirmant que «l'ordre de ces œuvres, comme celui de la nature, obéissait à la loi du hasard».
Le dadaïsme new-yorkais
En 1911, le cubiste français Marcel Duchamp (1887-1968) développa un style non conformiste, excentrique, aux formes mécaniques. En collaboration avec son compatriote Francis Picabia (1879-1953), il créa des machines imaginaires, chargées d'allusions sexuelles. En 1915, ils s'installèrent provisoirement à New York avec le concours du peintre et photographe américain Man Ray (1890-1976). Par leurs nombreuses activités, ils se firent les propagateurs de l'esprit pré dadaïste. Duchamp avait presque abandonné la peinture, en dehors de son chef-d’œuvre, la Mariée mise à nue par ses célibataires, même (1915-1923), schéma mécanique fantastique et satirique des relations sexuelles humaines. Il continua cependant la pratique, inaugurée à Paris en 1913, des ready-made, objets manufacturés promus à la dignité d'objets d'art tels qu'un porte-chapeaux ou un urinoir.
Le dadaïsme allemand
Un Club Dada naquit à Berlin en 1917 autour de Raoul Hausmann (1886-1971), George Grosz (1893-1959) et Hannah Hôch (1889-1978). Plus politisé que les précédents, leur mouvement prit rapidement une orientation communiste.
L'influence des collages cubistes, particulièrement apparente dans le développement du photomontage, se remarque dans l’œuvre de l'Allemand Hermann Herzfelde (1891-1968) qui anglicisa son nom en celui de John Heartfield par attachement à l'Amérique.
Kurt Schwitters (1887-1948) créa une variante dadaïste appelée Merz, seconde syllabe de «Commerzbank», mot apparu de façon tronquée sur un de ses tableaux. Schwitters collectionnait les déchets, vieux paquets de cigarettes vides, tickets, journaux, etc., pour les intégrer à ses compositions.
Max Ernst (1891-1976) fut le chef de file du dadaïsme à Cologne. Son œuvre s'inspire de l'imaginaire du gothique tardif de Grünewald et de Bosch. En 1920, il exécuta une série de collages en reprenant des images des gravures sur cuivre du XIXe siècle et en les assemblant afin de créer des scènes de rêve. Il peignit par la suite quelques tableaux dans un style identique.

Le dadaïsme parisien.

Tzara arriva à Paris en 1919, en même temps que Duchamp et les autres dadaïstes européens. En 1920, le manifeste de Picabia révéla le mouvement au public français. L'écrivain André Breton (1896-1966) participa dès 1918 aux revues dada, tandis que Tzara collaborait à la revue de Breton, Littérature. Les spectacles et les bruyantes manifestations dada, encore plus excentriques qu'auparavant, attirèrent un vaste public. Breton quitta le mouvement en 1922, en désaccord avec l'anarchisme qui y régnait. Il fonda alors un nouveau cercle d'écrivains qui allait devenir le groupe surréaliste, auquel participèrent d'anciens dadaïstes. L'éclatement du groupe dada suivit de peu cette rupture.

 

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