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ROCOCO

La synthèse de l'idéalisation classique de la fin du XVIIe siècle italien et de la vigueur baroque se réalise en France, avant de conquérir l'Europe sous le nom de Grand Style. Celui-ci se dilue dans le style rococo, appelé en France style Régence, qui rend compte de la liberté des formes que le XVIIIe siècle recherchait. Pour la première fois dans l'histoire de l'art, la vocation édificatrice ou narrative s'efface devant la fonction décorative.

Le rococo apparaît comme une dégénérescence du style baroque mêlée de style rocaille français. Dès le milieu du XVIIIe siècle, une réaction aux formes toujours plus libres et plus exubérantes du rococo s'affirme en France, berceau de ce style. En Grèce et en Italie, les découvertes archéologiques suscitent un intérêt renouvelé pour le passé de l'Europe. Les intellectuels français développent alors l'esprit néo-classique qui privilégie le culte de l'antique et de l'individu.

Le rococo en France.

Le premier rococo surgit dans les dernières commandes de Louis XIV, comme le château de Marly où apparaissent les formes contournées, les miroirs curvilignes, les corniches et les plafonds simplement ornés de rosettes centrales. Sous le règne de Louis XV, le rococo triomphe dans la décoration intérieure. La tendance est alors à la légèreté, à la liberté des formes et aux détails abstraits et décoratifs. Les lignes courbes dominent.
Les feuillages, les éclats de soleil et les compositions de pierres et de coquillages en constituent les principaux motifs décoratifs. Le rococo tire son nom du style rocaille. La forme des pièces, circulaire ou elliptique, reprend celle des motifs. Les couleurs privilégiées sont le blanc ivoire, le bleu pâle et l'or.
La peinture française affiche une élégance toute décorative. Toutefois, le style des deux plus grands peintres de l'époque, Antoine Watteau (1684-1721) et Jean Siméon Chardin (1699-1779) se distingue du rococo. Watteau transcrit les peintures mythologiques flamandes de Rubens et de Van Dyck en des scènes plus raffinées au charme mélancolique. La douceur des scènes de Chardin semble plus poétique que celle des peintures de De Hooch ou de Ter Borch dont il s'inspire. François Boucher (1703-1770) est le peintre favori de Mme de Pompadour, la maîtresse de Louis XV. Ces oeuvres qui recréent un univers sensuel et gracieux s'harmonisent parfaitement avec les intérieurs rococo, comme le font celles de Jean-Honoré Fragonard (1732-1806), qui abandonne bientôt la peinture d'histoire pour le genre galant et libertin. Dans un autre registre, tout aussi révélateur de la sensibilité du siècle, Jean-Baptiste Greuze (1725-1805) réalise des compositions mélodramatiques et moralisantes, ainsi que des portraits d'une tonalité réaliste.
C'est toutefois dans les arts décoratifs que figurent les créations les plus significatives du style rococo français : meubles aux formes courbes, richement dorés et incrustés, argenteries aux formes audacieusement asymétriques ou porcelaines très élaborées et colorées de la manufacture de Sèvres créée par Mme de Pompadour et Louis XV.

Le rococo en Allemagne, en Italie et en Grande-Bretagne.

Les éléments asymétriques et la fantaisie inventive sont au coeur du style rococo allemand, qui se développe avec imagination et humour. Des détails fantaisistes égayent ainsi la façade à la française, élégante et régulière, du charmant pavillon d'Amalienburg (1734­1739), du château de Nymphenbus près de Munich. Le salon central imite la galerie des Glaces de Versailles, mais sa forme ovale remplace la majesté française par une sensation de légèreté tout aristocratique. Des miroirs aux formes variées reflètent des nuages tourbillonnants d'oiseaux, de fleurs, de feuillages et de personnages gracieux. Cette folle décoration argentée se détache sur un fond bleu pâle.
Les églises présentent une décoration très originale comme celles de Wies, en Bavière (1745-1754), ou de Vierzehnhei­ligen, en Franconie (1743-1772). Conçu par le plus fameux architecte allemand de l'époque, Baltasar Neumann (1687­1753), le plan de l'église de Vierzehnheiligen intègre habilement espaces ovales et circulaires dans une fluidité toute rococo. Du même architecte, la façade de la résidence de Wurtzburg (1719­1744) présente des détails rococo qui animent la majesté de l'édifice. Les fresques en trompe l'oeil (1750-1752) du Vénitien Giambattista Tiepolo (1696­1770) rehaussent somptueusement les plafonds de la Kaisersaal et de la Treppenhaus à Wurtzburg. Les effets éblouissants, les couleurs lumineuses et la fantaisie imaginative de la peinture de Tiepolo établissent sa réputation à travers toute l'Europe.
Ses beaux-frères Gianantonio (1699­1760) et Francesco Guardi (1712- 1793) s'affirment également comme des maîtres du rococo vénitien. Dans ses vues réelles ou imaginaires de Venise, le second évoque les teintes changeantes du ciel et de l'eau avec la même liberté que les paysages impressionnistes. La même poésie imprègne les scènes toutefois plus minutieuses de Canaletto (1697-1768). Si l'architecture de Venise est alors plutôt néo-classique, en revanche l'échelle grandiose et les courbes élégantes de l'escalier de la place d'Espagne, à Rome, illustrent le véritable style architectural rococo italien.
En Grande-Bretagne, la peinture connaît également une inspiration rococo dont témoignent par exemple les paysages élégants de Thomas Gainsborough (1727-1788). Les portraits de ce dernier (voir en fin de fiche) expriment toutefois un style très différent. L'influence rococo se fait aussi sentir dans le trait incisif de William Hogarth (169 7- 1764), dont les scènes satiriques s'accordaient peu avec le caractère fantasque du baroque.
Hormis les arts mineurs de l'argenterie et de la porcelaine, le véritable esprit rococo s'exprima, en Angleterre, à travers les chinoiseries. Très novatrice, la conception des jardins d'Alexander Pope et de William Kent se fonde ainsi sur un principe d'asymétrie prétendument chinois. Les lignes sinueuses et les effets de surprise habilement ménagés donnent à leurs parcs une apparence rococo.

Le néo-classicisme en France et en Italie.

Le néo-classicisme voit le jour en France et en Italie. Les idées des théoriciens français et le recensement précis des antiquités grecques et romaines enrichissent la réflexion artistique et influencent l'évolution stylistique. Le style décoratif Louis XVI remplace les courbes par les lignes droites, le mouvement sculptural par des bas-reliefs plus sobres et les formes naturelles et abstraites par des détails antiques stylisés. L'architecture simple et classique du Petit Trianon représente parfaitement ce mouvement.
Plus tard, les toiles sévères et nobles de Louis David (1748-1825) illustrent le style néo-classique pictural. À la recherche de modèles classiques, David s'inspire des représentations de Poussin. Mais ses formes sont plus simples et ses détails plus archéologiques. Au sommet de son art sous la Révolution, il sut rendre tout le réalisme poétique et dra­matique de la Mort de Marat (1793), sans ignorer toutefois les règles de l'équilibre classique.
L'Italien Antonio Canova (1757-1822) se présente, lui, comme le maître de la sculpture néo-classique. À l'austérité de la peinture de David, il oppose le sentimentalisme et le sensualisme de sa sculpture, ouvrant ainsi la voie aux artistes du XIXe siècle.

Le néo-classicisme anglais.

Les parcs à l'anglaise de Kent et de Brown sont des lieux appropriés à l'édification de bâtiments palladiens, au style rationnel et naturel, qui reprennent la sobriété de conception et les proportions harmonieuses des dessins de Palladio, le grand architecte de la Renaissance. Colen Campbell (1676-1729), qui construit Stourhead (1720) et Houghton Hall (1722), est le plus grand architecte palladien.
Le renouveau palladien cherchait à recréer l'architecture antique de la période des Auguste, mais ce style traduit surtout un renouvellement des formes de la Renaissance. Dans les années 1750-1760, l'émergence du mouvement classique prône le retour aux prototypes antiques. En Angleterre, Robert Adam (1728-1792) est le plus brillant représentant de ce mouvement. Caractérisés par une harmonie de nuances pastel et la subtilité des bas-reliefs, ses intérieurs contrastent avec les formes massives et les couleurs limitées des palladiens. Les oeuvres de William Chambers (1723-1796) et de Henry Holland (1745-1806), d'une plus grande sobriété, introduisirent la simplicité élégante et les détails raffinés du néo-classicisme français.

Le portrait au XVIIIe siècle.

Au XVIIIe siècle, l'intérêt croissant pour le rationalisme philosophique et la reconnaissance de l'individu se traduit en peinture par le genre du portrait.
Pour certains artistes tels Boucher et Chardin, il ne s'agit que d'une évolution naturelle de leur style. D'autres, comme la Vénitienne Rosalba Carriera (1675­1757), exploitent avec succès la nouvelle technique du pastel.
En Grande-Bretagne, le portrait connaît un développement sans précédent. Ceux d'Allan Ramsay (1713- 1784) sont délicats et spontanés. Ces mêmes qualités, associées à une plus grande maîtrise, apparaissent dans les oeuvres de Gainsborough. Ses personnages semblent disposés pour mettre en valeur l'arrière-plan des paysages, tandis que l'artiste s'emploie à fixer l'impression fugitive du moment. Les allusions classiques et la
solide technique de Joshua Reynolds (1723-1792) cherchent à introduire les valeurs allégoriques de l'histoire dans le portrait. Les compositions d'Henry Raeburn (1756-1823) laissent transparaître son influence. Thomas Lawrence (1769­1830), au talent précoce, reproduit tout le faste flamboyant du style Regency.
Le développement des peintures en buste pseudo-classiques correspond à un mouvement opposé. Après les portraits de David, les formes sculpturales envahissent la peinture. Les modèles sont alors disposés sur un fond abstrait.

 

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